lundi 9 juin 2014

Interview d'Emmanuel LEPAGE

Cela fait bien longtemps que l'on ne vous a pas proposé une interview. Alors pour la reprise de cette rubrique fort appréciée, nous vous proposons une exclusivité. Et pas des moindre, puisque c'est Emmanuel LEPAGE qui répond aux questions de la classe de seconde 2.

Cette interview est bien différente des autres : on y parle BD mais aussi de nucléaire, une question d'actualité et d'avenir pour nos élèves et pour l'auteur.

Je vous laisse en leur compagnie, bonne lecture !  


Bonjour,
Nous sommes la classe de seconde 2 du lycée agricole de Cibeins.

Dans le cadre de notre formation, nous suivons une option qui a pour but de nous sensibiliser aux relations entre l’homme et l’environnement pour aller vers un développement durable.

Nous avons récemment fait un voyage en Allemagne sur le thème des énergies. Nous avons visité deux écoquartiers à Fribourg et deux fermes en forêt noire qui utilisent et produisent des énergies renouvelables.

Les habitants de cette région refusent l’énergie nucléaire et sont engagés depuis plusieurs décennies dans une démarche pour diversifier leurs ressources énergétiques. 

Avec nos professeurs, nous avons découvert votre bande dessinée sur Tchernobyl et nous avons quelques questions à vous poser sur votre expérience du risque nucléaire. 
Site de Tchernobyl en 2012

  • Pourquoi avez-vous eu envie de partir à Tchernobyl ?

Je suis parti à Tchernobyl à la demande d’une association dans laquelle j’étais : les Dessinacteurs

Celle ci propose à des auteurs dessinateurs ,illustrateurs de réaliser des oeuvres dans le but de servir à des actions concrètes. Ici ,l’idée était de ramener un carnet de voyage destiné à être vendu au bénéfice d’une autre association , Les enfants de Tchernobyl ,qui permet à des enfants contaminés de venir en France et ainsi de faire baisser leur taux de contamination.

Le site de Tchernobyl vu par Emmanuel

  • Quel a été votre premier ressenti en arrivant à Tchernobyl ?

La peur  bien sûr ; un sentiment d’excitation aussi et de curiosité . J’allais me retrouver face à la centrale qui a provoqué la plus grande catastrophe technologique du XXeme siècle.


  • Comment, au quotidien, avez-vous géré la question des radiations ?

Ce n’est pas tant les radiations que l’on peut craindre, mais la contamination au césium 137 que l’on retrouve dans l’air, dans la nourriture, dans le sol, dans l’eau…

Pour cela, je portais des gants en plastique et un masque.

J’avais aussi un dosimètre en poche qui me permettait de savoir où j’étais vraiment et de ne pas m’attarder si le taux mesuré était trop élevé.


Emmanuel LEPAGE sur le site



  • Quelles sont les conditions de vie des habitants ? Que mangent-ils ? Y a t-il un traitement spécial pour l’eau ?

Les gens vivent sur une terre contaminée  et mangent les produits de la terre, boivent l’eau des puits. Ils sont donc tous contaminés, même des gens nés bien après la catastrophe.


  • Les paysages dessinés dans la BD représentent-ils la réalité ?

 Tous les paysages  de la bande dessinée sont  réels, bien sûr , mais après il y a une mise en scène , une réinterprétation picturale . C’est la réalité vue par le filtre de ma sensibilité …comme toute création.

Je « joue » avec les représentations pour faire passer les émotions , les intentions.

Un récit , même du réel est une re -création.



Un printemps à Tchernobyl - Ed Futuropolis


  • Après avoir dessinée la zone interdite, vous utilisez beaucoup plus de couleurs : est-ce parce que vous voyez Tchernobyl d’un autre œil ?

Oui, petit à petit la vie va s’imposer . L’image que je m’étais construite de Tchernobyl va se modifier. Tout n’est plus en noir et blanc ,sinistre …Tchernobyl va m’apparaître comme une zone d’une grande beauté …ce qui va me troubler beaucoup : mes sens ne me disaient rien du réel.


Un printemps à Tchernobyl - Ed Futuropolis

  • Vos dessins sont-ils faits directement sur place ou les retouchez-vous une fois rentré ?

Tous les croquis sont faits sur place, ou du moins dans le temps du voyage . Quand je n’avais pas le temps de finir un dessin sur place, je le terminais le soir à la maison . 

 Il est important pour moi qu’un dessin de voyage soit fait …pendant le voyage . Ce qui m’intéresse c’est ce qui se passe quand on le réalise, les rencontres que cela suscite , comment les conditions de réalisation influent sur le dessin même. Peu importe qu’il soit raté ou réussi . Ce qui m’importe, c’est  ce qui s’est passé pendant que je le faisais.


  • Pourquoi avez-vous associé la destruction de Tchernobyl à la renaissance du printemps dans votre titre ?

C’est un oxymore qui correspond au paradoxe auquel j’étais confronté : la beauté des lieux qui cachait une réalité sombre et terrible .

C’était aussi raconter une forme de « renaissance » personnelle après des mois sans avoir pu dessiner ni même savoir si je le pourrais un jour de nouveau . Ce fut pour moi, donc, aussi un nouveau printemps!


  • Pensez-vous retourner à Tchernobyl ? Avez-vous gardé des contacts avec les habitants ?

J’aimerais oui, un jour, amener la bande dessinée aux gens rencontrés à Volodarka, le petit village où je vivais . J’ai gardé des contacts avec l’interprète, Ania ,qui elle-même avait vécu dans la Zone.



  • En France, nous utilisons beaucoup d’énergie nucléaire : pensez-vous qu’on est capable de relever le défi de la transition énergétique ?

Je l’espère, mais il faudra du temps . Le nucléaire représente 75% de notre consommation d’électricité , et c’est un fleuron de la technologie française. Ce sont des sommes colossales qui sont en jeu, des milliers d’emplois, une implication importante du politique dans ce choix énergétique de gauche comme de droite et ce depuis plus de cinquante ans .

Il y a des enjeux  économiques immenses. Ce sera long pour passer à autre chose .

Il faudrait surtout déjà qu’il y ait une prise de conscience et un désir de changer les choses, voire à changer soi-même .

Une transition énergétique impliquerait une modification profonde de nos habitudes de consommation .

Sans volonté politique forte , ça risque d’être long!

 …à moins d’une catastrophe nucléaire en France …ce qui serait terrible .


Un printemps à Tchernobyl - Ed Futuropolis
Je vous remercie beaucoup de l’intérêt que vous portez à ce sujet et à mon travail en particulier . Ça me touche beaucoup



Bonne route!

Merci d'avoir pris le temps de nous répondre ! On vous dit à bientôt au festival ?

dimanche 1 juin 2014

Facebook

Vous êtes de plus en plus nombreux à nous suivre sur facebook ! Merci à tous !

Pour fêter ça, une fois n'est pas coutume, ce n'est pas un auteur qui nous gratifie d'une belle vache dessinée mais une étudiante organisatrice.
Merci et bravo Marylou !